Agone Journal de la Compagnie du Vent Tournant

7 Nymphe
Par Gregor Fabulego

Cela semble devenir une mode, au sein de la Compagnie, que d'exprimer ses états d'âme par le biais d'un journal. Ridicule.
Je vais néanmoins me plier à l'exercice afin que, dans l'hypothèse invraisemblable où ces écrits ne tomberaient pas dans l'oubli de l'Harmonde, le quidam s'y hasardant y découvre un peu de bon sens (à condition qu'il sache lire, naturellement).

La Compagnie semble enfin détourner son attention de cette histoire d'armada de moustiques, il était temps (même si l'affaire est sérieuse, les évènements démontrant l'intelligence subtile et l'esprit acéré de l'artisan de cette prouesse de l'odieux coupable de ce crime abominable).
Un autre problème attire mon attention : ce sombre lierre expansionniste et vindicatif. Je pense savoir qui pourra me renseigner sur ce point.


9 Nymphe
Par Gregor Fabulego

Espoir déçu : l'inquiétante plante grimpante a mis la Tour en échec. Ce n'est pas là un grand exploit : dans un mois, les savants du Collège Obscurantiste se seront peut-être enfin mis d'accord sur le fait que le lierre est un végétal. Je suis désappointé. Heureusement, quelqu'un est là pour m'aider à juguler ma colère, qui souffre de mon affliction et que je qui n'hésite pas à saigner aux quatre veines pour moi.

A la Compagnie, tout le monde s'agite pour savoir qui a invoqué ces démons qui assassinent les lutins de la région. Il y a pourtant un moyen simple de le savoir : peu de gens à Symbole possèdent les moyens financiers de s'offrir le service des habitants des Abysses. Je vais mener mon enquête de mon côté, puisque l'on ne semble pas faire grand cas de mon avis (si un jour, mon cerveau est apprécié ne serait-ce qu'à la moitié de sa juste valeur, ce sera déjà une grande victoire pour la Compagnie).


[Date à préciser]
Par Gregor Fabulego

Bien évidemment, j'ai découvert la clef du mystère. Ce minotaure grincheux a eu beau vouloir m'expulser pour ne pas avoir à répondre à mes questions incisives, j'ai lu en lui comme dans un livre ouvert. Il faisait le fier, mais j'ai bien senti sa terreur face à mon implacable perspicacité.

Bientôt le départ. Comme ces derniers temps, je dois m'approvisionner en cookies chez Ben le Chanceux. Toute la Compagnie trouve que les cookies de Mme ben sont décidément délicieux. Ils ont bon goût, pour une fois.

Il fait chaud pour la saison.


[Date à préciser]
Par Gregor Fabulego

On aurait dû partir aujourd'hui, mais une troupe de saisonnins de l'Eté est en train d'approcher de Symbole. Nous n'en avions pas assez avec les lutins frappadingues du Chênais et leur liseron de combat, voilà que les autres s'y mettent aussi. Nous n'avons décidément pas les mêmes valeurs : ils ne s'intéressent qu'aux mois alors qu'il n'y a que moi qui m'intéresse.

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Les brutes estivales veulent que les lutins de la région leur soient livrés, et exigent un tribut de Symbole pour avoir hébergé les lutins. Quelle folie frappe les non-humains ces derniers temps, je ne saurais le dire (bien que notre espèce ne soit pas immunisée à la folie, comme le prouve cet homme au Chênais - mais je passerai cette histoire sous silence, j'espère en faire un bon conte lors d'un prochain spectacle et je m'en voudrais de briser l'effet de surprise).
A propos du Chênais, les autres de la Compagnie veulent s'y rendre pour trouver l'origine du lierre, en utilisant la carte de la farfadine assassinée (oui, une farfadine a été assassinée, mais c'était avant que je ne commence ce bulletin ; elle élevait une fillette qui se retrouve dans nos jambes. Que c'est mignon... Pour ma part, que la Compagnie commence à ressembler à une nurserie ne me dérange pas, tant qu'ils ne crient pas trop et qu'on ne me demande pas de m'en occuper. Sauf Prudence. J'aime bien Prudence. Mais je m'égare).
Bref, ils veulent aller dans un Chênais plein de lutins intégristes prêts à mettre le feu à tout ce qui n'évoque pas les bourgeons et les petits oiseaux qui gazouillent. Et c'est moi qu'on traite d'asocial. En tout cas, c'est une très mauvaise idée, et je tiens à les accompagner pour le leur rappeler.

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Les lutins ne nous ont pas laissé entrer voir la source du lierre, mais comme ils ne nous ont pas tués non plus, on peut affirmer que c'est une semi-victoire. Eden accuse la troupe de saisonnins de l'Eté d'avoir déjà détruit leur Chênais une première fois, et assure que cette fois-ci leur lierre les défendra (Eden est le chef du Chênais, un herboriste que d'autres membres de la Compagnie ont rencontré lors de l'affaire de Mélif ; mais il ne semblait pas souffrir alors de démence contagieuse).
Soucieux d'éviter l'escalade de la violence (ce qui serait préjudiciable pour nos affaires, la guerre n'est profitable aux itinérants que lorsqu'elle est finie et qu'on peut la raconter), je me suis fait fort de me rendre au camp de l'Eté, installé juste en face du Chênais, pour servir de médiateur. Il m'est venu l'idée admirable de proposer à ces fiers orques, géants et minotaures, l'honneur de narrer leurs exploits, afin qu'ils me laissent entrer dans la place ; hélas, les deux butors de garde n'ont pas compris la chance qu'ils avaient d'une telle opportunité, et ces faquins ont osé me repousser.

Mais je ne m'avoue pas vaincu : le dirigeant actuel de Mélif, petit dans la hiérarchie administrative mais grand dans le discernement, a su reconnaître en moi le négociateur idéal, et c'est armé de mes talents d'orateur et d'un papier officiel que je vais maintenant au camp de l'Eté. Nul doute qu'en m'écoutant, ils reviendront à la raison et cesseront les hostilités, ramenant la paix dans la région. J'aurai ainsi permis d'éviter une guerre des Saisons, bien que je doute que l'Harmonde ne montre autant de reconnaissance à mon égard qu'elle le devrait.

J'y crois à mort.